Hideaki défit les boutons de sa veste avec beaucoup de minutie, y prenant très attention dans le moindre détail. Bien qu’il ne soit pas tant matérialiste, il avait un goût pour les choses qui le dispensait d’en user n’importe comment. Ce fut donc avec beaucoup de retenue qu’il posa ledit vêtement sur les bras tendus d’un de ses calices, qui n’attendait que le servir et le rendre heureux. Parfois, c’était même flippant à quel point ils pouvaient être aux petits oignons avec lui. Le méritait-il vraiment ? Bah, c’était leur Lien, rien de plus… et il n’en était pas mécontent après tout. Cela avait des avantages, tout comme des inconvénients. Le vampire se retrouva seul dans la pièce et se servit du thé sur la petite table basse. Parfois, il avait la sensation de faire partie d’un temps révolu, où on prenait le temps de vivre les choses sagement. Hideaki pouvait s’énerver, mais rares étaient les fois dernièrement où il avait à le faire.

Sauf lorsqu’il s’agissait d’Akiya. Ce garçon avait le don de mettre ses nerfs en pelote, mais c’était également cette raison qui le poussait d’avantage vers lui. Il aimait son caractère indépendant qui contrastait étrangement avec leur Lien insoluble avec le temps. Presque six ans – ou sept ? – qu’ils se côtoyaient chaque semaine et pas une fois le vampire ne s’était lassé de sa présence. Akiya comptait beaucoup pour lui, bien plus qu’il ne le laissait admettre. Son côté froid et mystérieux les empêchait parfois de profiter de l’instant, mais Hideaki faisait toujours en sorte de se rattraper d’une façon comme d’une autre. Lui aussi était un peu contradictoire dans ses actes, d’une certaine façon. Il ne cessait de le protéger et de le couver, mais de l’autre côté, il lui arrivait de le repousser. On peut dire que le vampire et son jeune calice avaient une relation compliquée.

Par ailleurs, Akiya devait passer dans la soirée, ce qui ne manquait pas de lui tirer un sourire de satisfaction. Il n’avait pas mangé exprès pour pouvoir se nourrir auprès de lui ce soir, puisque c’était son sang qu’il préférait parmi tous ses calices. Il faut dire qu’il avait une odeur particulière… peut-être dû au fait que toute sa lignée était faite de calices ? Hideaki se changea donc pour être plus présentable, mais également à l’aise. Il détestait faire ça en se sentant mal dans sa peau ou dans ses vêtements. Prenant une grande inspiration, il tourna la tête vers la porte alors que, quelques secondes plus tard, on y toquait. Cachant sans mal son sourire ravi, il dit :

« Entre, je t’attendais. »

Il était rare qu’il invite quelqu’un dans sa chambre mais ce soir, ou plutôt avec Akiya, il allait bien faire une entorse à cette règle.

Tournant et tournant dans ma chambre, je finis par me jeter sur mon lit. je ne sais vraiment pas ce que je fais là... Pourquoi je ne suis pas sorti comme je l'avais prévu ? Je pousse un soupir bruyant. J'en ai marre. Plus que marre d'être en totale contradiction en ce que je veux, ce que veux ce lien... Ils ne pourraient pas se mettre d'accord . Ce serait sûrement trop leur demander... Je croise les bras sous ma tête, me plongeant dans la contemplation du plafond. Je commence à le connaitre par cœur à force de le regarder. J'essaie encore une fois de faire le point sur ma situation. Le même point qui ne change pas ma majorité. À savoir mon lien avec Hideaki. Et merde j'ai oublié que je devais le voir ce soir !

Je me relève brutalement, quittant ma position favorite pour courir me changer. Je ne suis pas sûr qu'un simple bas de jogging soit suffisant. J'enfile rapidement un jean, ne faisant pas réellement attention auquel je prends. Ils me vont tous bien de toute façon. J'enfile encore une fois au hasard un T-Shirt, me fichant éperdument duquel ça peut être avant de quitter ma chambre bien-aimée pour me rendre dans celle du vampire. Je traverse les couloirs en ignorant toutes les personnes que je rencontre. Je n'y ai jamais fait attention après tout. Trop de calices, trop de personnes qui acceptent, qui aime cette situation. Trop de personnes que je ne comprends pas en fait. J'arrive finalement devant la porte d'Hideaki et avant même d'avoir toqué, je sais qu'il est au courant de ma présence. Néanmoins, je frappe et rentre à son invitation.

« Je ne t'ai pas trop fait attendre au moins ? »

J'avais fait vite en me rendant compte de mon oubli. J'étais fringué n'importe comment en y pensant, surtout comparé à lui qui était toujours bien habillé. Je devais avoir les cheveux ébouriffés... Bref je faisais sûrement pitié, mais au moins j'étais là ! Glissant mes mains dans mes poches, j'attends la suite des événements. En espérant que mon besoin criant d’indépendance ne viendrait pas tout gâcher.

Il eut un sourire amusé en voyant tous les efforts qu’Akiya faisait pour lui déplaire, et le mettre en rogne. Ce n’était que pour lui faire plaisir, bien au contraire, car Hideaki aimait les défis et ce garçon-là en était un à lui tout seul. Rien que de voir sa frimousse mécontente d’être là le remplissait d’un drôle de sentiment. En sa présence, il ressentait cette attraction spéciale qui l’avait fait le choisir et se promettre à lui en tant que vampire, plutôt qu’à un autre. L’aura d’Akiya n’était similaire à aucune autre, probablement parce qu’il ne ressemblait pas aux autres calices obéissants qui l’entouraient.

« Penses-tu » reprit-il avec son petit sourire narquois. « Ta simple présence rend cette pièce plus intéressante. »

Hideaki s’approcha de son calice avec sa démarche de félin habituelle, qui lui valait beaucoup d’égard. Sa petite taille était compensée par son charisme fou qui mettait à ses pieds beaucoup d’espèces, loup-garous compris. Tout le monde n’aurait pas pu pactiser avec eux ; lui si. Optant pour la lenteur plutôt que la vitesse, il parvint jusqu’au jeune homme et passa sa main droite dans ses cheveux d’un geste qu’on pourrait qualifier de tendre, mais qu’il ne faisait que rarement.

« C’est mieux ainsi » dit-il en accommodant la chevelure sauvage du jeune japonais, qui n’allait probablement pas le laisser agir comme il le souhaitait.

Une simple inspiration lui permit de perdre son esprit dans les méandres de l’odeur du sang d’Akiya, lui aussi comparable à aucun autre jusqu’à présent. Il lui donna follement faim et envie de planter ses crocs dans cette chair blanche, par simple recherche du plaisir. Pour lui, il n’y avait rien de plus passionné et intéressant que de s’unir à son calice, qui rechignait toujours l’évidence le concernant. Hideaki, même s’il en doutait parfois, savait que le jeune homme était tout aussi fou de lui de leurs étreintes, bien qu’il n’en montrât rien. Le vampire n’était, de son côté, pas de ceux qui s’autorisaient des mots d’amour ou d’encouragement dans ce domaine.

« As-tu dîné ? »

Lui demanda le plus vieux tout en se détournant de sa conquête. Il était primordial à ses yeux qu’avant un tel acte puissant et épuisant, son calice soit nourri et reposé. L’inverse pourrait avoir de graves conséquences, qu’aucun ne souhaitait.